Se tenir compagnie

  Je soupçonne les harceleurs d'effectuer la relève de la garde à plusieurs. Quand certains partent, d'autres arrivent, mais rarement un seul à la fois. Pourquoi donc ? Pour se tenir compagnie pendant qu'ils guettent au trou le moindre de mes mouvements. C'est vrai que cela peut s'avérer ennuyeux d'attendre que je bouge quand on est tout seul, d'autant que je ne remue pas beaucoup en début d'après-midi car trop fatiguée, alors ça fait long. Peut-être qu'ils ont une main sur des mots fléchés et l'autre sur la manette servant à m'envoyer quelques bonnes ondes dans le crâne, sais pas, j'imagine... Peut-être qu'un joue aux mots fléchés pendant que l'autre s'occupe du matériel contre ma tête, et au bout d'un certain temps, ils changent. Entre-temps ils discutent et boivent un café, peut-être en mangeant un petit four. Aujourd'hui c'était l'heure des sorcières, alors je les imagine comme ça, mais peut-être que je me trompe.

  Les harceleurs se tiennent donc compagnie, et entretiennent du même coup la flamme de leur malveillance, en se confortant dans l'idée que ce qu'ils font, en l'occurrence exercer leur tyrannie contre ma pomme, est absolument nécessaire en raison des nuisances que je représente dans leur existence tranquille de retraités bercés d'innocence, élevés dans le respect de l'autre, et ayant fait preuve jusqu'ici d'une grande tolérance, et d'une non moins grande patience envers la pouilleuse du rez-de-chaussée qui continue à n'en faire qu'à sa tête !

  Cela fait plusieurs fois que je remarque, notamment après déjeuner, dès lors que je tente une sieste avant de repartir de travailler, que souvent deux voitures démarrent sitôt que j'émerge de mon canapé. Leur mission terminée, c'est-à-dire après m'avoir réveillée, et alors que je m'apprête à repartir au travail, ils peuvent eux aussi partir, et rejoindre leurs pénates respectives. Généralement c'est une voiture sous la fenêtre du salon (ci-dessous) et une sous la fenêtre cuisine, que je ne peux photographier car cela se verrait de ce côté. En rentrant ce midi, c'est un coup de perceuse de l'immeuble d'en face qui m'a accueillie, toujours calibré à la seconde près afin de bien me faire sentir qu'il m'était destiné. Rien à dire de plus, le harcèlement poursuit son bonhomme de chemin, sous le soleil, avec les sorcières. Je croyais que les sorcière ne chassaient que la nuit...

  Il reste peu de harceleurs, en fait, d'origine, 3 ou 4 tout au plus. Les voitures changent, les propriétaires également. C'est là que le bas blesse. Pas le courage de flouter le numéro. Et si je me trompais ? Si la propriétaire de cette voiture n'était qu'une pauvre femme se garant là où elle le peut ? Cela me paraît difficile étant donné le nombre de places disponibles alentour, je précise que mon logement débouche directement sur un parking réservé aux riverains et visiteurs de ces derniers. CQFD.

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