La vieille dame

  Hier mardi, au moment où je sortais de chez moi pour aller travailler, j'entendis un grand “bing” contre le mur de mon logement. J'ai pu constaté un fois dehors, qu'une voiture avait bien embrassé le béton côté cuisine et ce pour mon plus grand plaisir. Cette voiture je la connais bien, et sa propriétaire aussi, une vieille dame habitant au 4e étage, figure populaire du quartier comme on en trouve dans tous les quartiers, et ayant sans doute poussé là bien avant que la première pierre servant à construire l'immeuble ne soit posée.

  Depuis le début, elle apprécie visiblement de garer son amas de tôles froissées d'une couleur peu avenante, sous mes fenêtres. La vieille dame prise en flagrant-délit de créneau bien raté, me regarde en souriant, au moment où elle braque péniblement afin de faire quitter le mur à son pare-choc, puis me lance à travers sa vitre : “Pas grave, elle est vieille !”. A ce moment au vu de son visage parcheminé, je ne sais si elle parle de sa voiture ou d'elle-même, de même que je ne sais pas si je dois trouver son sourire sympathique ou carnassier. Je sais juste que je l'avais croisée au tout début de mon emménagement en ces lieux délétères et qu'elle m'avait dit : “Vous savez, moi je parle à tout le monde !”, sous-entendu même à vous.

  Plusieurs fois par la suite, elle m'avait demandé si je n'entendais pas trop les voitures sous mes fenêtres, et si cela ne me dérangeait pas trop. Prudente, je lui avais répondu alors que je n'entendais rien parce que j'avais des murs très épais. Une autre fois elle m'avait demandé si je me plaisais bien en cet endroit. Je lui avais répondu que c'était calme et que je ressentais de bonnes ondes, pour voir sa réaction, mais j'avais eu l'impression alors qu'elle n'avait pas compris ma remarque, son ouïe semblant lui faire cruellement défaut à ce moment précis. Impossible de savoir si cette dame a connaissance de mon harcèlement, et si elle y participe, et j'ai bien l'impression que cela restera un mystère.

  Au moins, je dois lui accorder le fait de m'avoir parlé. Je dirais même que sa voiture, une habituée, garée sous mes fenêtres, m'épargne de me poser des questions quant à son (sa) propriétaire puisque je sais à qui elle appartient, et évite un manège permanent de véhicules autour de chez moi. Du coup, je pourrais bien finir par trouver cette vieille dame sympathique, quel que soit son sentiment à mon encontre.