Au-delà des apparences.
Voir une adolescente rire avec des copines ne devrait pas m'interpeler plus que cela, si ce n'était l'horreur qui se cache derrière l'apparente banalité. A travers ma fenêtre, j'évite de trop les regarder toutes trois car je m'aperçois que ces épisodes d'observation et d'incrédulité totale laissent des stigmates dont il est fort difficile de se débarrasser. Je ne m'attendais pas à les voir, et les entends rire comme toutes adolescentes s'amusant entre elles. Leurs rires respirent l'insouciance, et la joie que leur jeune âge autorise transparait sur leurs visages somme toute gracieux.
Elles passent par la cour pour rentrer dans l'immeuble. Dans une poignée de secondes, elles entreront dans le logement du premier étage, celui juste au-dessus de ma tête. Tout semble si serein qu'on pourrait presque croire qu'on se trouve dans le monde de la normalité mais il n'en est rien. J'essaie en vain de comprendre comment il est possible que derrière cette légèreté se niche le pire mais je n'y parviens pas. Au moment où elle franchissent la porte de l'appartement, je me demande où se trouve le dispositif qui permet d'agir sur le corps de quelqu'un contre sa volonté, et de le torturer à loisir ? Comment se fait-il qu'un tel lieu puisse être arpenté par des ados, là où elles mangent, bavardent, jouent ? Les copines ont-elles connaissance de ce qui se passe en cet endroit délétère ? Le matériel est-il dissimulé lors de certaines visites ?
Autant de questions qui resteront sans réponse, planquées au coeur des mêmes murs, derrière lesquels des individus menant une vie irréprochable en tous points, s'autorisent le summum de la brutalité sur quelqu'un d'autre. Comme ça, en plein milieu des rires et d'une petite copropriété proprette.