Picadilles nocturnes
Aucun tir d'ondes intracrânien dans la nuit du 27 au 28 novembre dernier, le ou la pion(ne) m'avait réservé un autre traitement. Généralement, dès que je pose ma tête sur l'oreiller au moment du coucher, la fatigue m'envahit et les premières décharges arrivent afin de retarder l'endormissement. Suivant l'humeur, la disponibilité, la personnalité, le degré potentiel de sadisme et/ou de perversité du pion trônant au-dessus de ma tête à ce moment là, soit la nuit est ponctuée de quelques tirs modérés jusqu'au petit matin, soit elle se poursuit avec des tirs quasi-ininterrompus, ce qui fut le cas cette nuit là.
Mon corps s'est littéralement transformé en pelote d'épingle, le ou la sadique du 1er étage ayant décidé de m'envoyer, tel un faisceau d'ondes, des décharges dans les extrémités des mains et des pieds comme de multiples aiguilles, en ne me laissant aucun espoir de sombrer dans le sommeil profond. Ces tirs (au laser ?) sont particuliers, provoquant une douleur de quelques secondes, supportable mais tout de même très désagréable, et surtout empêchant tout endormissement possible puisque envoyés dans cette phase critique de l'état précédent le sommeil, et totalement bouleversé par cette douleur tout de même assez vive.
C'est vers 6h30 que l'homme ou la femme de faction dans ma maltraitance, a daigné me laisser m'endormir, sa dose de sadisme, et sa jubilation dans l'excès de pouvoir, ayant sans doute été assouvis. En fait, j'aurais préféré restée éveillée, d'une part, parce que s'endormir à cette heure là, sachant que le réveil va sonner une heure plus tard, cause plus de dégâts au niveau physique et neurologique que de rester éveillée toute la nuit, d'autre part, parce que les cauchemars que cette phase agitée de sommeil ont générés, m'ont littéralement laissée pétrifiée de dégoût au petit matin.
Les cauchemars dans ce genre d'état de fébrilité sont toujours de même type. Je me trouve dans une situation d'asservissement total face aux harceleurs, les scènes sont humiliantes, dégradantes, et je passerais les détails sur le côté sordide de tout l'ensemble. C'est comme si je rentrais dans la tête des bourreaux à ce moment là, et qu'ils me montraient tous les refoulements induisant le piteux résultat de ce qu'ils sont.
Progressivement, j'ai pu visualiser certains profils dans mon harcèlement, et forcément je les retrouve en plein coeur de mes cauchemars, dans lesquels je les dénonce à des personnes, en criant à ces dernières qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Je finis par monter un escalier en colimaçon qui ne se termine jamais vraiment, et je trouve à un moment donné des visages souriants, remplis d'une gentillesse dont aucun ne pourrait soupçonner la perfidie qui s'y niche. Chaque fois, je me réveille alors dans un état nauséeux, envahie d'un tel dégoût en repensant à ces hommes et ces femmes si propres et fringuants dans la réalité, au fond desquels cependant il y a une telle perversité, que je peine à reprendre pied. Cela me demande plusieurs heures, et quand je reprend mes esprits, c'est pour constater qu'au-dessus de ma tête, un des individus peuplant mes pires cauchemars depuis près de cinq ans, est là, qui veille. Peut-être une jeune bêcheuse à qui tout le monde sourira dans la rue demain, alors que si un simple passant savait à quoi cette jeune femme s'adonne contre moi à ses heures perdues, il serait tout simplement épouvanté.
J'ai déjà dit que j'avais parfois l'impression d'être un taureau dans l'arène. Lorsque je reçois des tirs d'ondes comme autant de picadilles, forcément, l'image de la corrida s'impose, et je ne peux que rester, là aussi, pétrifiée de m'apercevoir qu'on parle encore de ce phénomène au présent. Si l'homme était réellement civilisé, il devrait avoir relégué cette ignominie dans l'arrière-fond de son histoire, à cette époque lointaine (quoique) du supplice de la roue, et de l'inquisition.
Enfin, l'idée que des milliers de personnes, malgré quelque prise de conscience, puissent encore débourser de l'argent pour applaudir ce style de violence, et ce déversement d'actes de barbarie envers un animal, ne peut que nous faire réfléchir sur la propension de l'homme à la cruauté. Les aficionados, indépendamment de la tradition qu'ils évoquent comme une légitimité à ce qu'ils considèrent comme un spectacle, ont quoi qu'il en soit un problème d'ordre mental.
Ou bien c'est la civilisation toute entière qui se leurre, ainsi que sa structure sociale et affective. Enfin, je commence à me demander sérieusement si l'homme n'est pas intrinsèquement lié, de par son histoire, à la cruauté, et si il n'est pas plutôt anormal de ne tendre pas vers elle. Peut-être qu'après tout l'homme ne cesse de lutter contre sa nature, et que son humanisme, sa tolérance, se déroulent contre son entité propre, laquelle se traduirait avant tout par la violence, la cruauté et l'abus de pouvoir sous toutes ses formes. Si l'on en juge par son histoire, il semblerait que sa véritable nature lorgne effectivement vers ces derniers critères. A méditer.