Dans leur tête
Sculpture du bouc émissaire de C. JONGEN 2012
Parvenir à évacuer l'idée de gratuité dans tout acte quel qu'il soit, permet de reconstituer la raison de ce qui fait l'homme, et se réconciler en quelque sorte avec lui. On le voit dans tout crime dont l'auteur est jugé comme n'étant pas responsable de ses actes, qu'il n'y a pas pire comme finalité pour la victime et l'entourage de cette dernière. Il leur faut un motif, une raison sous peine de ne jamais pouvoir faire le deuil.
Il en est de même avec cette “méchanceté gratuite” insupportable, et pour laquelle il nous faut à tout prix trouver une raison. Pour cela il est nécessaire que celui ou celle qui subit tente une immersion dans la tête de son persécuteur pour comprendre le ravage qui niche en son cerveau, si atrophié soit celui-ci par le conditionnement.
Ma voisine a sa raison que son coeur aride ignore. Rien n'est gratuit pour elle, et ma maltraitance est légitimée, parce que j'ai osé être ce que je suis et le rester. En un coup d'oeil, il lui a été aisé de voir que je ne rentrais pas dans les clous, de ceux que la société glorifient et revendiquent comme un modèle acceptable. Du haut de sa respectabilité, le voisinage m'a jugée et condamnée en quelques jours seulement, comme il en a toujours été depuis que l'homme est considéré comme civilisé.
Au XVIe siècle on nous appelait sorcières, au XXIe siècle des marginaux, asociaux ou délinquants. Peu importe le qualificatif appliqué à celles et ceux dont le comportement est assimilé à un parasite en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire. En tant que parasite, je mérite amplement d'être éliminée par le bon voisinage, les gentils, afin que le dogmatisme perdure. Mes harceleurs ne sont pas méchants gratuitement, du moins dans leur tête ils défendent leur statut, en interdisant que l'inconnu, donc le dangereux pour eux, fragilise leur croyance, et leur conviction de bons citoyens respectables d'un modèle social sans lequel ils sont perdus. Ils croient fermement en leur bonne action, et en la nécessité de l'exclusion du danger que je représente pour eux. Il n'y a rien à faire, le temps encore une fois, se chargera du reste en réhabilitant demain le bouc émissaire d'aujourd'hui.