Acharnement consacré

  Mon harcèlement se déroule entre périodes d'accalmies, plutôt rares - j'entends pas accalmie une dizaine de réveils par nuit au bas mot - et une période d'assaults qui consiste en des tirs d'ondes électromagnétiques violents et ininterrompus toute la nuit durant vers ma boîte crânienne, même si les tirs débordent souvent dans la machoire. C'est ce à quoi j'ai eu droit les quatre derniers jours, comme si mes harceleurs avaient décidé de se lacher, et faire la fête avec ma tête.

  La raison de leur déchaînement récent peut se trouver dans le fait de leur avoir demandé un café noir avec un sucre et surtout pas de lait, lors d'un tir d'ondes particulièrement violent au petit matin, suscitant ladite demande d'une boisson chaude et revigorante. C'était sincère.

  Il se peut aussi qu'un nouveau mot laissé sur la vitre de ma fenêtre, comme quoi j'étais privée de sommeil par l'intermédiaire d'un moyen inepte, soit à l'origine de leur dernier déchainement, et puis encore, mon habitude désormais prise à les interpeler de manière calme et posée quant à leur proprension au sadisme, mon petit laïus se terminant chaque fois par “Je ne fais rien de mal chez moi, je ne partirai pas de chez moi”.

   Sans doute aussi aurais-je dû leur demander l'autorisation pour passer le week-end de la Toussaint chez moi, ce que je n'ai pas fait bien évidemment. Cependant, la nuit dernière fut un peu plus calme, et j'imagine que ce n'est pas la pitié de mes harceleurs pour moi-même en ce jour saint qui m'épargna de tirs d'ondes ininterrompus, mais plutôt un acte necessaire pour des individus bienséants de se rendre au cimetière afin de déposer sur la tombe de leur proche le sacrosaint bouquet de chrysanthèmes, les réconciliant du même coup avec leur devoir de citoyens respectables.

  Enfin, tout et rien à la fois peut être la raison d'une maltraitance particulièrement acharnée, car il faut absolument garder en tête qu'un harcèlement de cette espèce n'a pas forcément besoin d'une raison pour s'exprimer. Je mets d'ailleurs en cette formule une certaine application pour la recracher ensuite à la tête mal formée du harceleur de service, missionné pour me nuire. Bref, je m'essaie au stoïcisme, et revois mes classiques tels Senèque et sa vivifiante formule en cette fête des morts. “Tirons notre courage de notre désespoir même." C'est ce que je m'exerce à faire.

Sortie aujourd'hui.