Fête des voisins anticipée
Hier soir, plusieurs voitures sont arrivées en même temps sans me laisser grand espoir de passer une nuit correcte, même si il n'y a pas forcément de lien de cause à effet entre le nombre de voitures et la nature de mes nuits. D'habitude, l'une arrive au moment où une autre part, et c'est dans un cortège maintenant bien rodé de carrosseries passant sous mes fenêtres, que mes harceleurs se relaient pour me tourmenter.
Hier, c'était différent. On aurait dit qu'ils s'étaient donné rendez-vous. En tous les cas ma nuit fut étoilée d'un sadisme battant tous les records. Comme en-cas j'eus droit dès l'endormissement à un tir d'ondes particulièrement violent, suffisamment pour soulever ma tête de mon oreiller, et faire éjecter de ma bouche un petit "HonHon" irrépressible. Les ondes que j'appelle bouillotte suivirent juste après comme plat de résistance, et mon lit se transforma aussitôt en étuve, le dessert ne fut pas moins consistant et réunit ondes longues et courtes toute la nuit durant, à peu près toutes les dix minutes, me laissant au petit matin dans un état végétatif et nauséeux.
Tout ce que je sais c'est qu'une femme était aux commandes une partie de la nuit, mais peut-être une relève a-t-elle été effectuée juste avant l'aube. Difficile à savoir. Toujours est-il que mes voisins les tueurs, s'en sont donné à cœur joie. Il faut dire que leur crânerie en a pris un coup. Quelquefois il me plait d'imaginer celui que j'appelle sans-couilles lancer, sûr de lui : "Vous allez voir, avec ce matériel, dans trois mois elle sera partie !".
Désolée sans-couilles, mais tu t'es lourdement planté. Je suis toujours là. D'ailleurs, ce n'est pas si facile d'éliminer les bactéries, comme tu peux le constater au jour le jour. Ton orgueil de mâle a été mis à rude épreuve, je sais. Mais tu n'as pas fini de t'en remettre, parce que moi je suis loin d'être partie.
Parfois aussi, je me fais quelques scénarios comme cette nuit, pendant les tirs d'ondes, où j'assouvissais un peu de ma colère en imaginant un égorgement minutieux de mon tortionnaire du moment. Mais chut ! Je ne m'autorise ces petites gâteries qu'aux moments les plus pénibles. Elles me font tenir. Imaginer mes bourreaux se vider de leur sang me fait tenir. C'est relativement désopilant comme constat, mais c'est ainsi, en pensée je suis bel et bien une criminelle, et je l'assume. La vengeance, ne fut-elle qu'illusoire, est un des ferments de ma résistance. Cela suffit pour m'égayer, me redonner du crin, de l'énergie, et de l'espoir.
Le harcèlement rend-il méchant, voire insensible ? Manquerait plus de devenir comme mes bourreaux. Il va falloir se ressaisir.