Effet de groupe

  C'est ce qui fait la toute-puissance du harcèlement, quand le sentiment d'appartenance donne des ailes, et conduit aux comportements les plus excessifs. C'est étrange, plus la société tend vers un type individualiste, plus l'effet de groupe semble avoir sa part de gloire dans toutes sortes d'excès, comme si l'isolement était une faute, alors qu'il est le plus souvent subi. Le besoin d'appartenir et d'être intégré franchirait donc plus aisément les barrières déontologiques, balayant du même coup toute pensée individuelle et réfractaire à son dévergondage. "les autres font pareils", ils ont forcément raison. Quand la désindividuation se vide de sa propre conscience pour embrasser le nombre, il semblerait que tout soit permis.

  "L’anonymat ou l’impossibilité d’être reconnu et identifié en tant que personne singulière réduit les inhibitions de chaque individu présent."

  Ainsi, mon harcèlement s'autorise donc à employer une multitude de visages, et se permet même d'en changer à loisir. Rien à craindre, le substituage permanent noiera les responsabilités dans le nombre. Des individus peuvent donc venir, ponctuellement ou non, se greffer au groupe, lui redonner de la vigueur, un visage frais, alors que d'autres m'ont délaissée par lassitude, comme un enfant finit par s'ennuyer du même jouet manipulé trop longtemps. On briefe les nouveaux compagnons de groupe quant à ma toxicité, et au passage on accepte toute nouvelle suggestion de leur part en matière de nuire.

  Une petite nouvelle s'est occupée de moi la nuit dernière. Nouvelle voiture, nouveau visage machiavélique croisé récemment dans l'habitacle tous feux allumés. Les métastases continuent d'essaimer, comme pour tout cancer non soigné à temps. Il n'y a pas de remède contre le harcèlement de groupe, et/ou en réseau. C'est un boulevard qui s'offre à lui, avec un puits illimité de personnages prêts à embrasser ce qu'ils ignorent superbement. L'important, au sein de ce monde déséquilibré en tous points, étant d'avoir un repère, quel qu'il soit, si transitoire soit-il. La loi du plus grand nombre étant directement liée à La Vérité.

  Nous aurons beau marteler que ce n'est pas forcément le nombre qui a raison, cette information ne parviendra jamais tout-à-fait jusqu'à notre cerveau, et ne sera quasiment jamais appliquée dans les faits. Une majorité d'individus préférera toujours se greffer au nombre déjà constitué, pour tourmenter le solitaire plutôt que se mettre en péril en le défendant, tout comme une jeune femme agressée dans un train aura beaucoup moins de chance qu'on la défende si le nombre de passagers est important. Le nombre est une grossière erreur, car il ne relève de l'altruisme que quand ce nombre dans sa totalité est en péril. Voilà qui n'est pas suffisant pour rendre l'homme humain.