Du rejet...
Une seule personne m'a dit bonjour à mon arrivée dans ce logement, et a continué de me saluer, sans trop, semble-t'il, se préoccuper de ce que l'entourage pouvait bien en penser. Je me suis souvent dit que cet homme dont la femme est handicapée, devait en avoir essuyé au kilo du rejet, et de la stigmatisation, en raison de la situation de sa femme, ce qui expliquait pour moi, au moins en partie, sa résistance quant au nombre à ne pas faire de moi une paria. Depuis quelques jours cependant, je l'ai surpris plusieurs fois à rouler sur la plaque d'égout devant mon logement, ce qu'il n'avait jamais fait fait jusqu'alors, petite manoeuvre essentiellement réservée à mes harceleurs. La première fois, j'ai cru à une imprudence, puis les fois suivantes je me suis rassurée en me disant qu'il avait une voiture assez imposante et que la plaque d'égout était devenue, comme par enchantement, inévitable à ses roues, jusqu'à ce que la propriétaire du véhicule "861" s'arrange pour que je l'aperçoive hier soir en compagnie de la femme de ce monsieur, le seul dans les 100m2 alentour, à être resté sympathique avec moi.
La donzelle s'était déjà arrangée comme à son habitude le mardi, et avec une précision d'horloger, à débouler en même temps que moi sur mon lieu de travail, prenant bien soin de me dépasser, moi étant à pied, de façon à avoir le temps de se garer et sortir de sa voiture, avant que j'arrive à sa hauteur. Hier, contrairement aux autres mardis, elle m'a dépassée, et m'a attendue, faisant mine de trifouiller je ne sais quoi dans son véhicule, jusqu'à s'extraire de celui-ci au moment pile où j'arrivais sur les lieux. Bien sûr, elle a fui mon regard, mais j'ai senti son assurance alors à marcher devant moi, en compagnie de tous ces invisibles avec elle, contre moi. Elle savait alors que le soir même, je m'apercevrais que mon dernier soutien venait de s'écrouler. Je ne sais si elle est une aide à domicile du couple, ou une amie, peu importe, elle a mis dans sa poche la dernière personne qui m'accordait encore le statut d'être humain.
C'est ainsi que le harcèlement procède, comme une araignée tissant sa toile, et progressivement la refermant sur sa proie parfaitement démunie. J'ai ressenti, hier soir, alors que la harceleuse m'attendait de pied ferme, le rejet dans ce que ce dernier possède de plus ravageur. La nuit, quelqu'un a remplacé mamie gâteau aux manettes, assaillant mon crâne d'ondes électromagnétiques qui ne m'ont laissé aucun répit. J'en ai compté 104, ça fait beaucoup en une nuit.
A qui, cet homme, lequel il n'y a pas si longtemps encore, semblait décontenancé de voir toutes ces voitures trôner sous mes fenêtres, fera-t'il confiance ? A une femme, laquelle depuis des mois, voire des années peut-être, accompagne celle avec qui il partage sa vie dans ses difficultés quotidiennes, ou à la pestiférée du rez-de-chaussée dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle pollue leur oxygène respirable de sa honteuse présence ? C'est à verser des torrents de larmes d'impuissance, ce qui m'est également interdit sous peine de déchaîner mes harceleurs de leur plaisir crasse.