Réminiscences bienfaitrices
Une tempête sévit depuis plusieurs jours de ce côté où je survis. Manifestement les éléments sont en colère, cela tombe bien, moi aussi. Je rêve de prendre un bus à l'arrachée, comme je le faisais avant, et filer sur la côte toute proche, munie de mon appareil photo, et mon trépied tenu fermement des deux mains quand les rafales dépassent les 110 kms heure.
Je rêve de voir à nouveau le vent me fouetter le visage, et l'écume saupoudrer mon front de sel, ne tenant plus mon pauvre trépied que d'une main pour de l'autre, appuyer sur le déclencheur au moment ou une vague particulièrement déchaînée assaillit la jetée, tout à la joie prise dans cette fameuse seconde du déclic tant affectionné.
J'ai beau rêver fort, et le rêve à beau se trouver à porter de regard, rien à faire, l'énergie me manque. C'est comme ça, pour tout horizon se trouve mon canapé, vers lequel je me traîne difficilement, avec un livre en main que je traîne tout aussi difficilement depuis des semaines.
Il fut un temps où je filais régulièrement vers la mer, les vagues, lisais des livres goulûment, et m'endormais d'un sommeil de plomb, mais ce temps m'a été volé par de misérables individus dont le seul but est de nuire, parce que le harcèlement c'est aussi cela, l'abandon du désir et des espoirs fous, crevant dans l'oeuf toute aspiration. Il faudra pouvoir prouver ce ravage là aussi, et tout ce qu'il génère comme dégât, parce que pour trouver l'énergie pour lutter il ne faut pas seulement, me concernant, ausculter ce que je subis dans le présent, mais affronter ce que j'ai perdu, et que le ressac des souvenirs heureux ramène avec son lot d'amertume, la colère suffisante pour continuer.
C'était quand avant, et surtout c'était comment ? J'ai besoin de désosser l'insouciance du passé et d'en faire des nœuds de rage salvatrice, bien dirigée elle aussi, parce que ce que j'ai perdu en l'espace de trois ans n'est ni palpable, ni quantifiable, et rien ne me le rendra jamais. C'est bien pour cela qu'il faut que je note, au gré de mon cerveau assailli, agressé, meurtri à cœur de nuit par des ondes électromagnétiques et assassines, ces bulles de joie toutes éclatées les unes après les autres, au nom de rien ou à la gloire des crétins. Cela commence à payer, car je me sens emplie d'une colère saine, laquelle j'espère s'inscrira dans la durée.