Vertiges
C'est en fin de semaine qu'ils sont le plus fréquents, l'accumulation de fatigue tout en travaillant ne faisant pas bon ménage avec une bonne santé. L'épuisement nerveux pointe donc le bout de son nez comme à son habitude le vendredi, entraînant vertiges et étourdissements multiples, justement là où la journée se fait continue, 10h-18h30 avec 1 heure le midi consacrée au repas, car manger est essentiel, au détriment de la sieste cependant. Me voilà donc à marcher avec le plus de concentration possible, comme une petite vieille que l'usure et l'arthrose ont rendue fébrile, sauf que je ne suis pas vieille, et que je n'ai pas d'arthrose. Je suis juste privée de sommeil par des individus profondément malveillants, et ce dernier jour de la semaine est un véritable calvaire.
Je ne me demande pas si je vais bien travailler ce vendredi, mais tout simplement comment je vais faire pour parvenir à la fin de la journée en un seul morceau, sans vaciller, sans faillir, sans m'évanouir de fatigue. Cette journée me semble insurmontable avec les trois dernières nuits passées sous des salves d'ondes électromagnétiques, intensives et quasi ininterrompues. Comment faire ? Je connais bien cette limite que prévient les vertiges avant la phase hallucinatoire, celle où le manque de repos a atteint son paroxysme, et où le cerveau ne fonctionne plus correctement. Je me dis : "t'inquiètes, ça va aller, t'as déjà connu ça, il n'y a aucune raison pour que cette fois tu ne parviennes pas aussi à la fin de la journée !" Sauf que je n'en suis pas sûre, et que l'épuisement nerveux commence son travail de sape dès le matin. Le bus a deux minutes de retard, et mon cerveau est littéralement au bord de l'implosion, la fermeture éclair de mon manteau coince et m'arrache au passage un cri de rage. Je suis à un doigt de déverser un torrent de larmes, rien que parce qu'une jeune fille s'asseoit juste là où je ne demandais qu'à m'écrouler. Voilà ce que la privation de sommeil induit... aussi.
La journée se déroule comme une sorte de parcours du combattant, mais au ralenti, les heures n'en finissant pas de s'égrener en de terribles minutes, lesquelles laissent place à des secondes interminables. L'oeil braqué quasi constamment sur ma trotteuse, je prie pour arriver le plus vite possible au soir, sachant pertinemment que je ne serais pas pour autant récompensée d'une nuit de sommeil, parce qu'il ne s'agit pas de me laisser quelque répit. J'ai tout juste assez d'énergie pour écrire ces quelques lignes, essentielles pour moi, car seules témoins du massacre qui s'opère sous mon crâne, traverse tout mon corps, et me demander une énième fois quel crime j'ai bien pu commettre.