La claque
Les agents de police, en conseillant aux personnes harcelées par ondes électromagnétiques de se rendre chez un psy, ne font pas seulement que leur signifier de manière courtoise s'il en fut qu'elles sont folles, mais leur font également savoir qu'ils ne les aideront pas, et que ce n'est pas la peine de compter sur eux. Si auparavant, l'impression d'être seul au monde venait nous hanter brutalement, notamment lors des moments où le harcèlement était particulièrement acharné, après être passé par l'Hôtel de Police, la solitude prend tout son sens, et ne relève pas d'une simple impression mais d'une réalité cruelle, et à laquelle il faut faire face.
Nous sommes certes nombreux à être harcelés dans le monde, en étant privés de sommeil, soumis à de multiples signes confondant de malveillance et d'hostilité, et ce, en permanence, mais la nuit nous sommes seuls face aux ondes, et d'autant plus démunis quand le passage à la Police s'est soldé comme pour la quasi totalité d'entre nous par une conclusion aussi misérable. Pour ma part, je peux dire que malgré les témoignages pas vraiment encourageants des individus ciblés passés par la case Police, j'y croyais tout de même un peu. Encore une fois, je niais sans doute le fait qu'il existe dans notre pays confortable, une omerta de plus, venant se greffer à toutes les autres, et que des centaines de personnes peuvent bien se faire tourmenter de toutes les façons possibles dans le silence le plus complet.
Le harcèlement électromagnétique n'est pas à la mode, la mayonnaise ne prend pas. Peut-être dans dix ans, vingt ans, que sais-je, on apprendra que des individus se sont fait mitraillés le crâne par d'honorables citoyens, et les plus nombreux mettront leur main devant leur bouche ayant auparavant formé un grand O de surprise. Pour le moment, nous sommes des cibles muettes, sur lesquelles peuvent s'acharner en toute impunité d'honnêtes citoyens bien sûr, vous fracassant le crâne entre deux courses et un passage à la boulangerie, décidant de la fréquence de leurs tirs à leur guise, comme lez le prouve sur ses graphiques.
Si ils se sont levés du pied gauche, car eux dorment, ils pourront éventuellement passer leur mauvaise humeur en vous brisant un peu plus la tête. Autant comme avec moi ils y sont allés avec parcimonie à leur début - d'ailleurs j'avais bien du mal à savoir ce qui me réveillait, les ondes étant ultracourtes - autant comme maintenant la torture s'est parfaitement intégrée à leur train de vie, elle est devenue une habitude, comme celle d'aller chercher son pain. "Tiens ! Je regarde mon feuilleton à la TV, et ensuite j'irais jouer à la console avec la tête de ma voisine." Ce genre de torture est désormais acquise, et pourquoi s'en priver, puisqu'on a strictement rien à craindre. Un boulevard s'offre à tout citoyen lambda sur lequel exercer un pouvoir sur autrui, qui plus est pouvoir non seulement toléré, mais éventuellement encouragé par les autorités, sans vouloir être alarmiste, cela donne une vague idée de la marge de manœuvre qu'il nous reste.
Gageons que le temps nous donnera raison, et nous réhabilitera, car pour le moment nous sommes coupables de notre propre folie n'est-ce pas ?.
"Je voudrais agiter les réguliers, et parvenir
à ce qu'on laissât s'exprimer les irréguliers."
Michel Foucault.